
Au Canada, un véhicule est volé toutes les cinq minutes. Cette crise nationale perturbe la vie des Canadiens, leur cause une grande détresse et exerce une pression financière considérable. Entre 2018 et 2023, les sinistres liés au vol d’automobiles ont augmenté de plus de 254 %, dépassant 1,5 milliard de dollars en coûts directs des sinistres pour les véhicules de tourisme. L’Ontario a été la province la plus durement touchée, avec des sinistres liés au vol d’automobiles ayant dépassé la somme alarmante d’un milliard de dollars l’année dernière seulement. Le problème réside en partie dans le fait qu’un nombre croissant de véhicules volés obtiennent une nouvelle identité par le biais d’une pratique connue sous le nom de reNIVage, après quoi ils sont vendus au pays à des consommateurs peu méfiants.
Les gouvernements et les organismes d’application de la loi ont pris des mesures pour résoudre la crise du vol de véhicules :
En mai 2024, le gouvernement fédéral a publié le Plan d’action national de lutte contre le vol de véhicules, un plan détaillé et réfléchi pour lutter contre le vol de véhicules. Le gouvernement a pris plusieurs mesures depuis, afin d’intercepter les véhicules volés le long du réseau de transport des véhicules volés, notamment le déploiement d’un numériseur à rayons X mobile dans la région du Grand Toronto pour faciliter l’examen des conteneurs d’expédition et un investissement de 28 millions de dollars pour accroître la capacité de l’Agence des services frontaliers du Canada.
Les forces de police de tout le pays, en particulier celles de la région du Grand Toronto, ont intensifié leurs efforts pour réprimer les vols de véhicules et les activités criminelles qui y sont associées, comme le braquage de véhicules.
Le gouvernement de l’Ontario a annoncé qu’il s’engageait à verser 100 millions de dollars pour former une équipe provinciale de lutte contre le vol de véhicules, mettre en place des services de poursuite spécialisés et faire de la répression des vols avec violence (tels que le braquage de véhicules) une priorité. En outre, le gouvernement a récemment annoncé un investissement de 134 millions de dollars pour l’achat de cinq nouveaux hélicoptères de police qui seront utilisés dans la région du Grand Toronto et à Ottawa pour lutter contre le vol de véhicules et le crime organisé.
Les mesures prises par le gouvernement et les forces de l’ordre sont les bienvenues et réduiront les vols de véhicules au fil du temps.
Cependant, jusqu’à présent l’accent a été mis sur l’interception des véhicules volés pour les empêcher de quitter le pays. Bien qu’il soit important d’empêcher que des véhicules volés soient exportés, cela ne peut être la seule priorité. Un nombre croissant de véhicules volés sont « reNIVés » et vendus au Canada sous une nouvelle identité à des consommateurs peu méfiants.
Qu’est-ce que le reNIVage?
Un NIV (numéro d’identification de véhicule) est un code unique assigné à chaque véhicule lors de la fabrication. Ce code de 17 caractères comprend un numéro de série et d’autres identifiants qui fournissent des informations sur la marque, le modèle, l’année et le lieu de fabrication du véhicule. C’est comme l’empreinte digitale des véhicules.
Le reNIVage est le processus par lequel les criminels modifient illégalement et frauduleusement le NIV d’un véhicule volé pour en dissimuler l’identité, ce qui leur permet de l’immatriculer et de le vendre à un acheteur sans méfiance.
Le reNIVage est un processus complexe qui comporte deux étapes essentielles :
L’accès à un NIV crédible (bien que faux) : Par exemple, en Ontario un criminel peut acheter pour une somme modique l’historique d’un numéro d’identification du titulaire (NIT), qui comprend des informations sensibles telles que le NIV, ce qui permet aux criminels de déguiser plus facilement les véhicules volés à l’aide d’identifiants d’apparence légitime. Un NIT est un numéro unique attribué à chaque propriétaire de véhicule en Ontario, afin de pouvoir effectuer un suivi des véhicules qu’il possède ou a possédés.
Utilisation d’un faux NIV pour immatriculer un véhicule : Les criminels exploitent les vulnérabilités procédurales des autorités provinciales d’immatriculation pour immatriculer frauduleusement les véhicules volés.
Comment deux véhicules peuvent-ils avoir le même NIV?
Les centres provinciaux qui gèrent l’immatriculation des véhicules, tels que ServiceOntario, ne disposent pas d’un système permettant de vérifier si un NIV existe déjà dans d’autres territoires de compétence. Cela signifie qu’un véhicule peut être immatriculé dans une province à l’aide du NIV d’un véhicule immatriculé dans une autre province. Cette lacune permet aux criminels d’utiliser le même NIV pour immatriculer plusieurs véhicules volés, ce qui complique le suivi et l’identification des véhicules volés à l’extérieur des frontières provinciales.
Conséquences pour les consommateurs
Le reNIVage présente des risques importants pour les consommateurs, car si la véritable identité d’un véhicule reVINvé est découverte, l’acheteur sans méfiance se fera saisir le véhicule qui sera restitué à son propriétaire légitime. Les personnes lésées restent souvent sans aucun recours pour obtenir une indemnité financière, sauf s’ils avaient acheté le véhicule chez un concessionnaire agréé. Cette situation n’affecte pas seulement les acheteurs individuels, car elle entraîne une augmentation généralisée des primes d’assurance automobile. Le BAC estime qu’en Ontario seulement, les vols de véhicules ont fait augmenter les primes d’assurance des conducteurs de 130 dollars en moyenne.
Attaquons-nous au reNIVage
Bien que ces problèmes soient beaucoup plus prononcés en Ontario, ils existent aussi dans d’autres provinces, ce qui compromet l’intégrité des immatriculations de véhicules dans tout le pays. Les gouvernements provinciaux peuvent jouer un rôle central dans la lutte contre le reNIVage en comblant les lacunes qui permettent l’exploitation des NIV. Voici certaines des mesures qui méritent d’être envisagées :
Supprimer l’accès du public aux NIT : Cette mesure empêchera les criminels d’obtenir facilement des informations détaillées sur les véhicules.
Interdire les autorisations d’immatriculation de véhicules par des tiers : L’immatriculation par un tiers permet à une autre personne que le propriétaire de faire immatriculer un véhicule au nom de ce dernier. Ce processus, initialement destiné aux concessionnaires automobiles, permet à presque n’importe qui de transférer l’immatriculation d’un véhicule ou d’immatriculer un véhicule au nom d’une autre personne. Cette pratique, généralement utilisée pour des raisons de commodité, est exploitée par les criminels qui utilisent une fausse identité pour immatriculer les véhicules volés. Limiter l’autorisation de tiers aux personnes ayant une procuration réduirait le nombre d’immatriculations frauduleuses.
Limiter l’utilisation des formulaires de description de véhicule neuf (DVN) aux concessionnaires automobiles autorisés : Les constructeurs automobiles produisent un formulaire DVN pour l’immatriculation des véhicules neufs. Cependant, des criminels falsifient ces formulaires pour immatriculer des véhicules d’années antérieures. En limitant l’utilisation de ces formulaires aux concessionnaires, on peut combler cette lacune.
Le gouvernement fédéral a également un rôle essentiel à jouer. Le Plan d’action national de lutte contre le vol de véhicules comprend un engagement à lutter contre le reNIVage, notamment en incitant les provinces et les territoires à prendre des mesures visant à empêcher les immatriculations frauduleuses de véhicules. Le Bureau d’assurance du Canada (BAC) demande au gouvernement fédéral d’assumer un rôle de chef de file en facilitant le partage des données et des informations entre les provinces et en comblant les lacunes dans la procédure d’immatriculation des véhicules que les criminels exploitent souvent. L’établissement d’un registre national des NIV pourrait combler cette lacune et promouvoir un échange d’informations transparent entre les registres de NIV des provinces et territoires.
Hanna Beydoun est directrice de l’Élaboration des politiques au BAC.


