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Industrie de l’assurance

Se préparer à l’inévitable : pourquoi le Canada doit agir dès maintenant pour atténuer le risque sismique

12 novembre 2025 | Par Liam McGuinty, vice-président, Affaires fédérales, BAC
Se préparer à l’inévitable : pourquoi le Canada doit agir dès maintenant pour atténuer le risque sismique Insights Article Image

Le Canada arrive à un point où il sera touché par un séisme majeur – mais nous ne sommes pas prêts. Le Canada, qui risque fort probablement d’être touché par un séisme majeur au cours des 50 prochaines années, doit prendre des mesures urgentes pour réduire le risque important que pose ce phénomène sur sa résilience financière. En ces temps d’incertitude et d’instabilité économiques, nous ne pouvons plus nous permettre d’ignorer ce risque.

Depuis plus de dix ans, les assureurs de dommages au Canada préconisent la mise en place d’un produit d’assurance public-privé contre les séismes pour garantir la résilience financière après un événement sismique majeur.

Nous avons enfin de bonnes nouvelles à ce sujet : Dans son budget de 2025 publié le 4 novembre, le gouvernement fédéral du Canada annonce qu’il compte « consulter les assureurs de dommages sous réglementation fédérale et les autres parties intéressées à propos des moyens d’assurer la stabilité du secteur des assurances du Canada en cas de séisme violent ».

Cette annonce, qui est une avancée majeure en matière de garantie de la stabilité du secteur financier et de l’économie générale du Canada en cas de séisme violent, est une excellente nouvelle pour l’industrie de l’assurance de dommages et le secteur des services financiers dans son ensemble. Les assureurs de dommages au Canada se disent prêts à collaborer avec le gouvernement afin de trouver rapidement une solution qui protégera les Canadiens à la suite d’un séisme catastrophique et qui permettra de mieux gérer les risques pour l’économie canadienne que représente ce genre d’événement.

Une catastrophe imminente

Chaque année, le Canada est touché en moyenne par 4 000 séismes. Si la plupart d’entre eux passent inaperçus, certaines régions du Canada se trouvent sur des lignes de faille susceptibles de générer des séismes de magnitude 7 ou plus. Concrètement, un séisme de magnitude 7 peut entraîner l’effondrement de bâtiments non parasismiques, la fissure de routes ainsi que l’endommagement de canalisations et de voies ferrées. S’il survient en mer, le séisme peut provoquer des tsunamis et des répliques sismiques dévastatrices.

Par le passé, nous avons frôlé ce niveau de dévastation : En 2012, un séisme de magnitude 7,8 a frappé l’archipel Haida Gwaii, en Colombie-Britannique. Heureusement, malgré l’ampleur du séisme, il n’y a pas eu de dommages structurels majeurs, probablement en raison de l’éloignement et de la faible densité de population de la région. Cependant, d’autres zones de la Colombie-Britannique (notamment les villes les plus peuplées) risquent d’être touchées par des séismes de cette ampleur ou d’une magnitude plus élevée.

Plusieurs séismes de grande amplitude ont été générés par la rupture de la grande faille située au large de la côte ouest du Canada – la zone de subduction de Cascadia. Le dernier en date, de magnitude 9, remonte à 1700.

Selon Ressources naturelles Canada, la probabilité que la Colombie-Britannique soit touchée par un séisme de grande ampleur au cours des 50 prochaines années est de 30 %. Si le séisme de magnitude 9 frappait à nouveau la région, il pourrait entraîner des pertes économiques totales d’environ 128 milliards de dollars. Telles sont les conclusions de l’étude commissionnée par le BAC et menée par le Conference Board of Canada. La côte ouest n’est pas la seule région touchée par ces événements. D’après une ancienne étude réalisée par AIR Worldwide, un séisme de faible amplitude au Québec – une région également à risque – entraînerait des pertes de dizaines de milliards de dollars.

Un séisme de grande amplitude à proximité de l’une de ces grandes villes canadiennes entraînerait d’importantes pertes humaines et réduirait des quartiers et des entreprises à l’état de ruines. Les routes seraient impraticables, les ponts infranchissables, les habitants seraient bloqués, et il serait très difficile pour les secours d’apporter leur aide. Les réseaux électriques, d’alimentation en eau et de communication ne fonctionneraient plus, privant des milliers de personnes de services essentiels. Les incendies provoqués par la rupture des conduites de gaz aggraveraient la destruction, tandis que la liquéfaction et les glissements de terrain déstabiliseraient davantage le sol. Même un séisme d’ampleur modérée à proximité d’une grande ville portuaire canadienne aurait des conséquences négatives durables et à grande échelle sur l’économie : il pourrait paralyser le commerce international et le commerce interprovincial, et rendre les couloirs de transit inutilisables, tout en entraînant l’insolvabilité de compagnies d’assurance et de sociétés de crédit. Le paysage serait transformé du jour au lendemain, laissant des cicatrices visibles pendant des années, voire des générations.

Si ce discours semble alarmiste, nous ne cherchons pas à faire peur, mais bien à dépeindre la triste réalité que vivra le Canada s’il était touché par un séisme de grande amplitude avant que des mesures concrètes ne soient prises.

Le Canada n’est pas prêt

La couverture contre les séismes est largement disponible, mais elle est peu souscrite : au Québec, notamment, 4 à 7 % des résidents couvriraient leurs biens personnels contre ce risque. En Colombie-Britannique, ils seraient entre 50 et 65 %. Le faible taux de souscription pourrait s’expliquer par l’idée reçue que la couverture contre les séismes est incluse dans les contrats d’assurance habitation courants. Certaines personnes pensent peut-être qu’elles n’en ont pas besoin ou que le gouvernement fournira une aide financière en cas de séisme, quand d’autres sont sans doute rebutées par le coût. Tous ces éléments démontrent un besoin criant d’informer la population sur les risques sismiques et les mesures qu’elle peut prendre pour mieux se protéger.

Le faible taux de souscription de la couverture contre les séismes augmente la pression sur l’industrie de l’assurance. Si les primes ne couvrent pas le risque, les assureurs doivent se tourner davantage vers la réassurance, l’assurance des assureurs. Un séisme majeur risque d’épuiser le capital et la réassurance de compagnies d’assurance, et donc de mener à des insolvabilités.

Le marché canadien de l’assurance de dommages, qui est parmi les plus capitalisés au monde, doit suivre des normes réglementaires strictes. En cas de catastrophe ordinaire, l’industrie est plus que prête à soutenir ses assurés. Toutefois, un séisme de grande ampleur pourrait désarmer même les assureurs les mieux préparés.

Au-delà de l’insolvabilité de compagnies d’assurance, le séisme pourrait avoir un effet domino sur l’ensemble de l’industrie. La Société d’indemnisation en matière d’assurances IARD (SIMA) offre un filet de sécurité en veillant à ce que les assurés soient protégés même en cas d’insolvabilité de leur assureur. Les cotisations versées à la SIMA peuvent entraîner l’insolvabilité des compagnies d’assurance qui ont réussi à sortir la tête de l’eau en raison des réclamations non réglées de leurs concurrents. Dans le pire des scénarios après un séisme, tous les assureurs de dommages canadiens seraient insolvables, ce qui aurait des répercussions sur l’ensemble du système financier, et exercerait une pression supplémentaire sur les banques et les coopératives de crédit.

Leçons que le Canada peut tirer d’autres pays

Dans tous les pays du G7 où le risque sismique est élevé (à l’exception du Canada), le gouvernement national a mis en place un plan d’assurance personnalisé doté d’un filet de sécurité. Ainsi, en cas de séisme, le gouvernement peut prendre des mesures immédiates en vue de protéger la population, les entreprises et l’économie, tout en gérant le relèvement économique.

La Nouvelle-Zélande (2010) et le Japon (2011) ont prouvé qu’un système de relèvement économique planifié avant la catastrophe est indispensable à la reconstruction des habitations et des entreprises, au rétablissement des collectivités et à la reprise économique à la suite d’un séisme. La Californie gère le risque sismique dans le cadre d’un partenariat public-privé nommé la California Earthquake Authority (CEA). Cette entité à but non lucratif offre une aide financière à l’assurance contre les tremblements de terre vendue par des assureurs de dommages privés. Des cadres montrent que ces solutions peuvent fonctionner de façon efficace, en répartissant les coûts et en garantissant un relèvement plus rapide et plus équitable.

Les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral canadiens devraient se doter de plans et de partenariats semblables à ceux d’autres pays. Il s’agit notamment d’instaurer une solution d’assurance personnalisée dotée d’un filet de sécurité financier fédéral indispensable, soit un programme conçu pour soutenir à la fois l’industrie de l’assurance et les assurés individuels à la suite d’une catastrophe, qui permette un relèvement rapide sans faire peser l’intégralité du fardeau sur un groupe en particulier.

Le Canada doit trouver de toute urgence une solution de gestion du risque sismique, et la mettre en œuvre dès maintenant.

Les décideurs politiques, les assureurs et les citoyens doivent comprendre que le séisme de grande magnitude qui touchera le Canada n’est pas une éventualité : c’est une question de temps. Si nous ne prenons pas de mesures maintenant, nous pourrions passer à côté de ce moment crucial de trouver une solution avec un gouvernement fédéral qui est conscient de ce risque financier majeur. Une solution nationale qui protège les vies, les habitats et l’économie permettrait au Canada d’être proactif plutôt que réactif, et lui donnerait les moyens de réagir à une catastrophe inévitable de façon résiliente. Sans action concertée, le Canada risque de connaître un effondrement de son économie et du filet de sécurité de l’industrie de l’assurance. La préparation ne consiste pas uniquement en une intervention immédiate en cas de catastrophe; il s’agit de créer à l’avance les bases d’un relèvement qui évitera à la population de devoir assumer des pertes impossibles à l’avenir.

À propos de l'auteur

À titre de vice-président aux affaires fédérales, M. McGuinty dirige l’élaboration et la mise en œuvre des stratégies du BAC en matière de lobbying auprès des instances fédérales, en collaboration avec les membres du BAC. Avant cela, il a occupé le poste de vice-président à la stratégie, où il a établi les priorités de défense des intérêts à l’échelle pancanadienne, tout en étant chargé de la planification d’entreprise du BAC. Avant de se joindre au BAC, il a occupé des postes supérieurs chez Deloitte et au sein de la Chambre de commerce de l’Ontario. M. McGuinty est titulaire d’un baccalauréat ès arts de l’Univesité Carleton et d’une maîtrise en politique publique de l’Université de Toronto.