
Parmi les récits accablants et déchirants relatés au sujet des récents incendies de Los Angeles, un passage d’un article du Wall Street Journal devrait mettre en garde pour tous ceux qui dirigent leur propre entreprise :
« Le restaurant était assuré pour plus d’un million de dollars, incluant les pertes d’exploitation et les coûts de reconstruction. Cependant, le coût de reconstruction réel risque d’être beaucoup plus élevé ».
Le restaurant en question, le Reel Inn, était un modeste établissement familial spécialisé dans les fruits de mer. Depuis près de quarante ans, ce restaurant de Malibu était une adresse prisée, réputée pour la qualité de ses fruits de mer et son atmosphère conviviale. Son menu, ponctué de jeux de mots amusants comme « Saumon et Dalila » et « Leprawn James », séduisait une clientèle variée, allant des surfeurs aux touristes en passant par les célébrités. De l’avis général, il représentait un élément précieux du patrimoine culturel local.
Ce restaurant bien-aimé a connu une fin dévastatrice lorsque le feu l’a ravagé et réduit en cendres. Pour ne rien arranger, il semblerait que l’entreprise était sous-assurée.
Bien que cette tragédie se soit produite en Californie, les risques qu’il met en lumière n’en sont pas moins réels pour les propriétaires d’entreprise au Canada. L’histoire soulève une question embarrassante : combien de petites entreprises au Canada sont tout aussi vulnérables? Qu’il s’agisse d’une librairie accueillante, d’une boutique de fleurs dynamique ou d’un café indépendant, chaque petite entreprise contribue à la vitalité et à l’identité d’une collectivité. Cependant, de nombreux propriétaires ignorent qu’ils sont sous-assurés, ce qui les expose à de graves risques financiers en cas de catastrophe.
Voici les mesures que les propriétaires d’une petite entreprise peuvent et devraient prendre pour s’assurer qu’ils sont adéquatement protégés.
La double menace: hausse des risques et explosion des coûts
Les propriétaires de bâtiments et d’entreprises font aujourd’hui face à une double menace en matière de protection de leurs actifs : (1) la fréquence et la gravité accrues des catastrophes naturelles, et (2) la hausse des coûts de reconstruction.
Au cours des 15 dernières années, les événements météorologiques violents ont causé des pertes financières à plus de 132 000 entreprises au Canada, une tendance qui ne cesse de s’aggraver avec le temps, selon les données de la firme Catastrophe Indices and Quantification Inc. (CatIQ). Au cours des cinq dernières années, plus de 53 000 entreprises ont présenté une réclamation en conséquence du temps violent, comparativement à environ 40 000 à chacune des deux périodes de cinq ans précédentes. Les pertes assurées pour toutes les branches d’assurance, y compris l’assurance des entreprises, ont fait un bond de 10 à 12 milliards de dollars à un sommet mirobolant de 20 milliards de dollars au cours de ces mêmes périodes de cinq ans.
Parallèlement, les coûts de reconstruction n’ont jamais été aussi élevés. Selon l’indice des prix à la consommation (IPC) en octobre 2024, les coûts de construction ont augmenté de 66 % depuis 2019 au Canada, dépassant largement le taux d’inflation général de 19 % enregistré au cours de la même période. Pour les entreprises, cette situation accentue le risque d’évaluations d’assurance dépassées, créant un écart préoccupant avec les coûts de reconstruction réels sur le marché actuel.
Fonctionnement de la règle proportionnelle
Beaucoup de propriétaires d’entreprise ignorent à quel point une sous-assurance peut exacerber les pertes financières à la suite d’une catastrophe. La majorité des contrats d’assurance des biens des entreprises inclut une clause appelée « règle proportionnelle », conçue pour encourager des évaluations exactes et prévoyant que le propriétaire d’entreprise pourrait devoir prendre en charge une portion des coûts d’un sinistre. Plus précisément, elle prévoit que la valeur assurée doit correspondre à un minimum de 80 % à 90 % de la valeur à neuf des biens sinistrés. En deçà de ce seuil, l’assuré devient effectivement un coassureur, tenu de prendre à sa charge une part proportionnelle de tout sinistre, qu’il soit total ou partiel.
Par exemple, si la valeur à neuf d’un bâtiment est de deux millions de dollars, mais que le propriétaire est assuré pour seulement un million, il se trouve à assurer la moitié seulement de sa valeur. Si le bâtiment subissait des dommages d’une valeur de 500 000 dollars, l’assureur verserait uniquement la moitié de ce montant, soit 250 000 dollars. Le propriétaire serait tenu de prendre le reste à sa charge : un immense fardeau financier qui risquerait d’entraîner la fermeture définitive de sa petite entreprise.
Cette règle proportionnelle s’applique non seulement aux biens matériels, mais également à la garantie des pertes d’exploitation, qui prévoit le remplacement des pertes de revenus subies pendant la période de reconstruction. Les titulaires de police doivent veiller à garantir leurs revenus à un niveau adéquat. Si les montants de garantie choisis sont trop peu élevés, l’entreprise pourrait avoir de la difficulté à se rétablir financièrement, même si elle rouvre ses portes.
La solution : des estimations exactes et à jour
Pour éviter d’être sous assurés, les propriétaires devraient fournir une évaluation exacte de la valeur à neuf à assurer, fondée sur toutes les variables obligatoires (coûts des matériaux et de la main-d’œuvre, frais de déblais, règlements municipaux, coûts liés aux bâtiments patrimoniaux et autres). Un évaluateur peut examiner le bâtiment et effectuer une évaluation de la valeur à neuf fondée sur les coûts de reconstruction d’aujourd’hui. Cette évaluation instantanée permet d’aligner la valeur des bâtiments assurés sur le coût réel de leur reconstruction, garantissant une couverture adaptée aux besoins actuels.
Le propriétaire du bâtiment peut s’appuyer sur l’évaluation de base des trois années suivantes de concert avec l’Indice des prix de la construction de bâtiments de l’année courante de Statistique Canada pour estimer le coût de reconstruction au renouvellement de son contrat d’assurance.
Les propriétaires d’entreprise doivent également surveiller la valeur de leur stock et de leur matériel et s’assurer que les montants de garantie sont suffisamment élevés pour permettre leur remplacement en cas de sinistre majeur. Les clients sont priés de communiquer tous les ans avec leur représentant d’assurance afin de s’assurer que leur protection répond toujours à leurs besoins.
Il est primordial de procéder à des évaluations exactes aux fins de l’assurance. Même si l’instant précis d’une catastrophe demeure imprévisible, les entreprises ont la possibilité de prendre des mesures proactives pour sécuriser leur avenir et bénéficier d’une protection complète en cas de besoin.