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Le « Big One » : Le Canada est-il prêt à faire face à un tremblement de terre catastrophique?

10 décembre 2024 | Par Jason Clark, directeur national, Défense des changements climatiques, Bureau de la région d’Ottawa, BAC
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De nombreuses personnes qui habitent les régions exposées aux tremblements de terre parviennent à un équilibre délicat entre résilience et risque, vaquant à leurs activités quotidiennes tout en sachant qu’un tremblement de terre majeur n’est pas une question de « si » mais de « quand ». Cet état d’esprit permet aux collectivités de prospérer, aux économies de se développer et aux vies de se construire avec détermination plutôt que dans la peur. Cette façon d’aborder le quotidien est essentielle, mais elle doit aussi s’accompagner d’une préparation assidue.

Pour répondre à ce besoin, le Canada doit coordonner d’urgence un plan d’intervention engageant à la fois le gouvernement et le secteur privé. Lisez la suite pour en savoir plus à ce sujet.

La réalité du « Big One »

Dans l’histoire moderne, le Canada n’a pas encore connu de tremblement de terre véritablement dévastateur, mais nous avons une idée précise de ce à quoi cela pourrait ressembler. Les récents tremblements de terre survenus à Christchurch, en Nouvelle-Zélande, et à Tōhoku, au Japon, nous ont donné un aperçu saisissant et sombre, tout comme divers exercices de modélisation d’un tremblement de terre catastrophique au Canada. Dans une étude commandée par le BAC, la société AIR Worldwide, spécialisée dans l’analyse des données et la modélisation des risques, a modélisé les effets d’un tremblement de terre d’une magnitude de 9,0 à 75 kilomètres de la côte de Vancouver. Les conséquences d’un tremblement de terre de cette ampleur seraient stupéfiantes : des pertes économiques de 95,6 milliards de dollars, dont 26,1 milliards de dollars en pertes assurées. Dans un scénario se produisant au Québec, un tremblement de terre de moindre ampleur dans cette région entraînerait quand même des pertes de l’ordre de dizaines de milliards de dollars.

Un tremblement de terre majeur à proximité de l’une ou l’autre de ces grandes villes canadiennes entraînerait d’importantes pertes en vies humaines et réduirait des quartiers et des entreprises à l’état de ruines. Les routes et les ponts deviendraient impraticables et les gens seraient bloqués, ce qui rendrait les interventions d’urgence extrêmement difficiles. Les réseaux électriques, d’alimentation en eau et de communication, cesseraient de fonctionner, privant des milliers de personnes de services essentiels. Les incendies provoqués par la rupture des conduites de gaz aggraveraient la destruction, tandis que la liquéfaction et les glissements de terrain déstabiliseraient davantage le sol. Le paysage serait transformé du jour au lendemain, laissant des cicatrices qui perdureraient pendant des années, voire des générations.

Au-delà de l’épicentre : les retombées à l’échelle nationale

La dévastation ne s’arrêterait pas à la zone du tremblement de terre. Au fur et à mesure de l’évolution de la crise, les répercussions économiques et sociales s’étendraient à l’ensemble du pays. En raison de l’endommagement des ports, des chemins de fer et des autoroutes, les chaînes d’approvisionnement seraient interrompues, entravant la livraison de biens essentiels dans tout le pays et paralysant le commerce international. Le choc se répercuterait sur les entreprises de tout le pays.

En outre, comme des collectivités entières deviendraient inhabitables, des milliers de personnes seraient déplacées. Ces déplacements mettraient à rude épreuve les régions voisines, qui auraient du mal à accueillir l’afflux de personnes ayant besoin d’un abri, de nourriture et de soins médicaux. Selon le lieu de l’épicentre du tremblement de terre, des bâtiments gouvernementaux pourraient également avoir été détruits, obligeant les décideurs à se déplacer, ce qui ajouterait à la déstabilisation. En bref, le processus de reconstruction serait une tâche colossale qui nécessiterait du temps, des fonds et des ressources à une échelle rarement vue.

Les conséquences financières d’un tremblement de terre majeur : Tester les limites de la résilience

Le coût financier d’un tremblement de terre majeur au Canada serait immense, et la question de savoir comment couvrir les coûts de rétablissement se pose avec acuité. Pour le moment, les gouvernements canadiens n’ont pas de réponse à cette question. Les assureurs de dommages du Canada sont parmi les mieux capitalisés au monde, étant soumis à des normes réglementaires rigoureuses. En cas de catastrophe ordinaire, le secteur est plus que prêt à soutenir ses assurés. Cependant, un tremblement de terre aux proportions catastrophiques, comme celui qui a frappé le Japon en 2011 et qui survient une fois tous les 600 ans, pourrait terrasser même les assureurs les mieux préparés. Dans une telle situation, les sinistres pourraient épuiser le capital et les réserves de réassurance des différentes compagnies, les poussant au-delà de leurs limites financières.

Au-delà des défaillances individuelles des compagnies d’assurance, le tremblement de terre pourrait avoir un effet en cascade sur l’ensemble du secteur. La Société d’indemnisation en matière d’assurances de dommages IARD (SIMA) du Canada offre un filet de sécurité en veillant à ce que les assurés soient protégés même en cas de défaillance de leur assureur. Cependant, le mécanisme de la SIMA qui prévoit d’indemniser les survivants exige que les assureurs restants couvrent les demandes d’indemnisation non réglées de ceux qui font faillite, une responsabilité qui pourrait pousser davantage d’assureurs à l’insolvabilité. Cette réaction en chaîne pourrait se propager au-delà de la zone du tremblement de terre, touchant même les petits assureurs régionaux dans d’autres provinces et mettant en péril la stabilité globale du secteur de l’assurance de dommages.

Pour les particuliers et les entreprises, ces risques systémiques ne sont pas que des abstractions financières. Si un tremblement de terre perturbait à ce point le secteur de l’assurance, les sinistrés feraient face à des retards d’indemnisation de plusieurs années, et les Canadiens en général éprouveraient des problèmes de disponibilité et de tarifs d’assurance. En outre, de nombreux propriétaires de maisons situées dans la zone du tremblement de terre ne sont pas couverts par une assurance. Selon certaines estimations, plus de 50 % des propriétaires-occupants en Colombie-Britannique et jusqu’à 96 % au Québec ne sont pas couverts. Ces ménages devraient compter sur leur épargne personnelle, ce qui plongerait bon nombre d’entre eux dans des difficultés financières de longue durée.

Inévitablement, dans ce scénario catastrophe, les gouvernements seraient contraints d’intervenir. Ils devraient supporter une charge financière à laquelle ils ne sont pas préparés et qui pèserait lourdement sur le Trésor public.

Le résultat est sans appel : aucune entité, qu’il s’agisse des gouvernements, des assureurs ou des consommateurs, ne peut supporter ces coûts à elle seule.

Les arguments en faveur d’une solution nationale

Compte tenu de l’ampleur du risque, le Canada a besoin d’urgence d’un plan d’intervention concerté, et c’est maintenant qu’il faut le mettre en place. Il s’agit notamment d’instaurer un filet de sécurité financière fédéral, soit un programme conçu pour soutenir à la fois le secteur de l’assurance et les assurés individuels à la suite d’une catastrophe, qui permette un rétablissement rapide sans faire peser l’intégralité du fardeau sur un groupe en particulier. Cet effort devrait s’appuyer sur le programme national d’assurance contre les inondations du gouvernement fédéral à l’intention des ménages à haut risque, qui établira une entité de réassurance au sein d’une filiale de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, et sera mis en œuvre dans le cadre d’un partenariat public-privé avec les assureurs de dommages du Canada. Des cadres similaires instaurés dans des pays comme le Japon et la Nouvelle-Zélande montrent que des solutions de ce type peuvent fonctionner de façon efficace, en répartissant les coûts et en garantissant un rétablissement plus rapide et plus équitable.

Une solution nationale, mise en œuvre avec le soutien du gouvernement fédéral, permettrait au Canada d’être proactif plutôt que réactif, et d’être prêt à répondre à l’inévitable avec résilience. La préparation ne concerne pas uniquement l’intervention immédiate à prévoir en cas de catastrophe; il s’agit de créer à l’avance les bases d’un rétablissement qui ne rejettera pas sur les épaules des Canadiens la responsabilité de prendre en charge des pertes impossibles à supporter à l’avenir. En agissant dès maintenant, nous pouvons faire en sorte que, lorsque le sol bougera, les parties prenantes du Canada seront prêtes à entreprendre la reconstruction, ensemble.

En attendant, nous encourageons les propriétaires à prendre des mesures pour sécuriser leur maison et à mettre à jour leur assurance. Les consommateurs peuvent également consulter et partager les conseils en matière de protection contre les tremblements de terre du BAC et regarder la vidéo Stay Protected : Earthquake Safety (en anglais seulement).

À propos de l'auteur

Jason Clark est un stratège en relations gouvernementales et en campagnes basé à Ottawa. Il occupe le poste de directeur national, Défense des changements climatiques au BAC.

Jason Clark détient une maîtrise ès arts en études internationales et diplomatie, avec une spécialisation en politique mondiale de l’énergie et des changements climatiques, obtenue à la School of Oriental and African Studies (SOAS) de l’Université de Londres. Il est également titulaire d’un baccalauréat ès arts spécialisé en histoire de l’Université Western. Jason Clark siège en tant que secrétaire au conseil d’administration de Canadian Business for Social Responsibility (CBSR).

Avant de rejoindre le BAC, il a été directeur des politiques et des relations gouvernementales chez Clean Prosperity et consultant principal chez Crestview Strategy, une entreprise de relations publiques de premier plan au Canada. Précédemment, il a dirigé l’une des plus grandes campagnes d’engagement public sur les changements climatiques, l’énergie et le développement durable en Grande-Bretagne.

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