
De nouvelles données de Statistique Canada indiquent que le coût des matériaux de construction résidentielle a largement dépassé le taux d’inflation général alors que les sinistres liés aux phénomènes météorologiques violents ont atteint un sommet historique
La hausse sans précédent des primes sur le marché de l’assurance des biens au Canada ne relève nullement d’une anomalie. Les tensions inflationnistes, conjuguées à l’aggravation et à la recrudescence des catastrophes météorologiques, trouvent leur origine au début de la décennie actuelle. Malheureusement, les consommateurs éprouvent aujourd’hui des difficultés à souscrire une assurance abordable, et même à obtenir une assurance dans les zones à haut risque.
L’évolution des sinistres attribuables aux phénomènes météorologiques violents au Canada est décourageante. L’an dernier a été la pire de l’histoire du Canada au chapitre des pertes assurées attribuables aux phénomènes météorologiques violents au pays. Ces pertes ont totalisé plus de 8,5 milliards de dollars et entraîné la présentation d’environ 273 000 réclamations. Ce nombre dépasse de 188 % la moyenne historique du total des sinistres enregistrés au cours d’une année donnée.
Le record des sinistres survenus en 2024 représente presque le triple du total des pertes assurées enregistrées en 2023 et est 12 fois supérieur à la moyenne annuelle de 701 millions de dollars enregistrée entre 2001 et 2010.
Évidemment, ces statistiques ne disent rien des épreuves vécues par les nombreuses personnes, familles et collectivités qui ont été touchées. Même si l’assurance est un pilier fondamental permettant de garantir la résilience financière et d’accélérer la reprise après un sinistre, un nombre croissant de personnes doivent désormais faire face à l’incertitude et à la frustration à la suite d’un événement météorologique violent.
Les consommateurs ne sont pas responsables de la pénurie de fournitures ou de main-d’œuvre ni des tensions inflationnistes qui font grimper le coût des matériaux de construction. Cependant, l’interaction de tous ces facteurs externes complique le traitement rapide des réclamations liées à la hausse des sinistres catastrophiques par le secteur de l’assurance, occasionnant ainsi des difficultés pour les clients.
Coup d’œil aux données sous-jacentes aux réclamations
Même si l’inflation s’atténue au Canada, des données de Statistique Canada révèlent que les principaux facteurs influant sur le coût de l’assurance habitation demeurent élevés. En particulier, le récent Indice des prix de la construction de bâtiments de Statistique Canada révèle que les coûts des matériaux de construction résidentielle ont grimpé de 67 % au cours des cinq dernières années, excédant largement le taux d’inflation général de 18 % enregistré pendant cette même période.
Pour mettre en perspective les coûts liés à la construction résidentielle, examinons certains des produits nécessaires pour répondre à une réclamation pour la réparation ou la reconstruction d’une maison.
Au cours des cinq dernières années, le coût du bois d’œuvre et d’autres produits du bois a augmenté de 35 %, le coût des produits fabriqués de métal et des matériaux de construction a augmenté de 40 %, le coût des machines et des pièces d’équipement a augmenté de 23 %, le coût des meubles et des accessoires fixes a augmenté de 18 % et le coût du ciment, du verre et d’autres produits minéraux non métalliques a augmenté de 38 %.
Si l’on examine plus spécifiquement deux grandes villes (Toronto et Calgary), qui ont toutes deux subi des phénomènes météorologiques violents en 2024, on constate que les tendances qui influent sur le coût des sinistres sont encore plus prononcées. Toronto a subi deux inondations majeures en 2024, causant au total des dommages de plus d’un milliard de dollars. Selon Statistique Canada, les coûts liés à la construction résidentielle ont augmenté de 114 % depuis 2017 à Toronto, la plus grande ville du Canada. Calgary, qui a connu la tempête de grêle la plus coûteuse de l’histoire du Canada en 2024 avec des pertes assurées de trois milliards de dollars, a enregistré une hausse de 100 % des coûts liés à la construction résidentielle pendant cette même période.
Devant la hausse exponentielle des sinistres liés aux intempéries extrêmes dans notre pays, les gouvernements et les consommateurs doivent comprendre l’incidence disproportionnée qu’ont ces événements catastrophiques sur les coûts de l’assurance habitation. Par ailleurs, l’incertitude liée à un possible conflit commercial entre le Canada et les États-Unis pourrait influer sur le prix des matériaux indispensables à la réparation ou au remplacement des propriétés endommagées.
Les assureurs doivent composer avec une hausse des règlements de réclamation et des délais de traitement prolongés, alors que les coûts de l’assurance des propriétaires-occupants ont dépassé le taux d’inflation général. Dans ce contexte, il sera extrêmement difficile pour les assureurs de recouvrer les coûts tout en offrant une assurance habitation abordable à leurs clients. Le secteur de l’assurance ne peut régler à lui seul cette crise d’abordabilité de l’assurance habitation.
L’intervention du gouvernement peut atténuer les tensions
Le nombre de personnes privées d’accès à l’assurance ne cesse de croître, tandis que, pour d’autres, les coûts continuent de grimper. Les Canadiens doivent pouvoir compter sur une collaboration entre les gouvernements et le secteur privé en vue de concevoir des solutions qui assureront leur protection contre les événements météorologiques extrêmes, tant aujourd’hui que dans le futur. Sans cette collaboration, il nous faudra tous nous préparer à évoluer dans un pays où l’assurance est inaccessible.
Les gouvernements et les décideurs doivent prendre davantage d’initiative pour gérer et atténuer efficacement le risque. Par exemple :
Effectuer des investissements ciblés dans les infrastructures offrant une protection contre les inondations
Mettre en œuvre des règles d’aménagement du territoire qui interdisent la construction d’habitations dans les plaines inondables
Adoptez les principes du programme de prévention des feux de forêt FireSmart dans les collectivités qui renferment des zones à risque élevé de feux de forêt.
Appliquer enfin les mises à jour des codes du bâtiment, longtemps différées, afin de renforcer la protection des habitations et des moyens de subsistance.
Investir dans la réduction des risques garantira aux Canadiens un accès durable à une assurance abordable, essentielle pour protéger leur avenir financier, malgré l’intensification des événements météorologiques extrêmes.