
Un rapport de l’Institut C.D. Howe plaide pour une tarification plus flexible face à l’augmentation des risques
Un nouveau rapport de l’Institut C.D. Howe met en lumière un problème croissant au sein des systèmes d’assurance automobile au Canada : une réglementation trop rigide des tarifs peut nuire à la capacité du secteur à gérer efficacement les risques. À une époque marquée par une volatilité accrue (conditions météorologiques extrêmes, inflation, perturbations des chaînes d’approvisionnement), les assureurs doivent faire preuve de souplesse. Or, dans les provinces où les régimes réglementaires sont plus stricts, leur marge de manœuvre est fortement limitée.
Intitulé The Price of Over-Regulation: Assessing the Impact of Rate Controls on Auto Insurance Market Flexibility in Canada, le rapport révèle que les cadres rigides de fixation des prix en Alberta, en Ontario et dans les provinces de l’Atlantique freinent la capacité des assureurs à ajuster leurs primes en fonction de l’évolution des coûts des sinistres. À long terme, une réglementation censée protéger les consommateurs pourrait en réalité les exposer à des risques accrus.
L’Institut C.D. Howe quantifie cet effet : dans les provinces soumises à une réglementation stricte, les assureurs ajustent leurs primes environ 2 % de moins en réponse à une hausse des sinistres, comparativement aux juridictions plus souples. Cette différence peut sembler minime, mais dans le contexte actuel d’inflation et de risques climatiques, même un léger décalage peut nuire à la stabilité financière et, en fin de compte, porter préjudice aux consommateurs.
Le rapport souligne que les retards dans l’ajustement des primes, notamment en réaction à la hausse des coûts des sinistres et à l’inflation, peuvent amener les assureurs à réduire leur présence sur le marché ou à retirer certains produits, ce qui diminue le choix offert aux consommateurs, nuit à leur bien-être et freine la concurrence. C’est d’ailleurs ce qui se produit actuellement en Alberta, où les tarifs de l’assurance automobile sont gelés ou plafonnés depuis trois ans.
Le rapport présente quatre grands modèles de réglementation des tarifs appliqués dans différentes juridictions : l’approbation préalable, le dépôt avec approbation différée, le dépôt après utilisation et la libre concurrence. Au Canada, les provinces adoptent généralement des approches hybrides basées sur les trois premiers modèles, avec des niveaux variables d’encadrement et d’intervention du gouvernement. Selon le rapport, quel que soit le modèle en place, une plus grande flexibilité permettrait aux assureurs de mieux réagir à l’évolution des risques, au bénéfice final des consommateurs.
La concurrence : la meilleure protection pour les consommateurs
Le Bureau d’assurance du Canada (BAC) est du même avis. Dans un marché sain et concurrentiel comme celui du Canada, la meilleure protection des consommateurs reste la concurrence, d’autant que les assureurs sont déjà tenus de respecter des normes strictes en matière de protection des consommateurs. Selon le rapport, rien ne permet de croire, à la connaissance des auteurs, que le Québec (où il n’existe pratiquement aucune réglementation tarifaire pour les dommages aux véhicules privés) présente des signes de traitement inéquitable envers les consommateurs. En réalité, les assureurs y sont tenus de respecter les lignes directrices du Conseil canadien des responsables de la réglementation d’assurance (CCRRA) sur le traitement équitable des consommateurs.
En résumé : lorsque les assureurs peuvent librement se faire concurrence, les tarifs reflètent les risques réels, l’innovation progresse, et les consommateurs bénéficient d’un plus grand choix et d’un meilleur service. Une réglementation continue des tarifs freine cette dynamique. Le BAC estime que les décideurs devraient permettre aux forces du marché d’orienter les prix autant que possible.
L’expérience internationale vient appuyer cette position. Le rapport souligne qu’en Europe, les autorités de régulation ont en grande partie renoncé à fixer les prix. Des données probantes indiquent d’ailleurs que ce processus de déréglementation a grandement stimulé la concurrence et favorisé l’innovation et l’efficacité.
Une tendance mondiale vers une réglementation plus intelligente : le Canada prend du retard
Cette évolution mondiale vers une déréglementation plus intelligente contraste avec la situation au Canada, où, selon le rapport, les systèmes de réglementation des tarifs sont coûteux à administrer. Selon le rapport, ces coûts réglementaires se répercutent inévitablement sur les consommateurs, soit par des ajustements de prix inéluctables, soit par une baisse de la concurrence.
D’autres pays, du Royaume-Uni à l’Australie, en passant par la Corée du Sud, modernisent leurs régimes réglementaires afin de favoriser l’investissement et l’innovation. Le Royaume-Uni, par exemple, a récemment introduit un mandat législatif obligeant les organismes de réglementation à promouvoir la croissance tout en assurant la gestion des risques.
Pendant ce temps, le Canada prend du retard, ce qui nuit à sa compétitivité. Le Forum économique mondial classe le Canada au 38ᵉ rang en ce qui concerne le fardeau de la réglementation gouvernementale. Il y a vingt ans, le pays occupait le 4ᵉ rang mondial pour la facilité de faire des affaires. Aujourd’hui, il est tombé à la 20ᵉ place.
Privilégier la dynamique du marché plutôt que son contrôle
Ce déclin de la compétitivité n’est pas imputable à un gouvernement ou un organisme en particulier. Il s’agit du résultat cumulatif d’un environnement réglementaire fragmenté, lourd et excessivement prudent, un cadre qui privilégie le contrôle au détriment de la concurrence, et la stabilité au détriment du dynamisme.
La tendance vers une réglementation plus stricte des tarifs d’assurance auto au Canada a commencé au début des années 2000, principalement en réaction à une hausse marquée des primes, notamment dans les provinces de l’Atlantique. Toutefois, cette approche réactive a ignoré un facteur clé : cette flambée des primes s’expliquait par une hausse spectaculaire des coûts de sinistres les années précédentes, avec des augmentations allant de 45 % à 50 %. À l’époque déjà, l’industrie avançait l’argument qu’elle continue de défendre aujourd’hui : lorsque les primes augmentent, la solution passe par une réforme des produits qui doit être mise en œuvre par les gouvernements, et non par une limitation de la capacité des assureurs à fixer des prix reflétant les risques.
Aujourd’hui, cette approche réglementaire prudente, bien intentionnée, visant à contenir les primes, semble de plus en plus déconnectée des tendances mondiales.
L’assurance habitation, automobile et entreprise est l’un des secteurs les plus fortement réglementés au Canada, que ce soit en matière de tarification, de conception de produits, d’exigences en capital ou d’investissement. Au fil du temps, les différents niveaux de réglementation ont engendré des coûts supplémentaires, freiné l’innovation, et immobilisé des capitaux qui pourraient être utilisés de façon plus productive, au bénéfice des consommateurs.
C’est l’avertissement que lance le rapport de l’Institut C.D. Howe. Toutefois, il s’agit aussi d’une occasion à saisir. En freinant la dérive réglementaire et en modernisant les cadres en place, notamment en introduisant des approches plus souples en matière d’assurance auto, il est possible de stimuler l’efficacité, de favoriser la concurrence et de redonner de l’élan à l’économie canadienne.
La réglementation est importante. Cependant, dans un monde en rapide mutation, l’adaptabilité l’est tout autant. Le rapport de l’Institut C.D. Howe est un rappel opportun : protéger les consommateurs et dynamiser les marchés ne sont pas des objectifs contradictoires, ce sont deux facettes d’une même réalité. Ne laissons pas le Canada prendre davantage de retard.